Pourquoi l’image du sourcier doit-elle changer ?

par | 10 Août 22

Avec la canicule, je vois le nombre de sourcier se multiplier pour chercher de l’eau pour les particuliers ou les agriculteurs. Des reportages, des annonces qui mettent en évidence une problématique de ressource et avec comme solution : le sourcier. 

« Vous n’avez pas d’eau ? appelez un sourcier ! »

« En pleine canicule les sourciers remplissent leur agenda ! »

Nous avons cette image du sourcier qui vient chez nous avec ses baguettes pour trouver de l’eau. Comme si la véritable image du sourcier était celle d’il y a 50 ans. 

Nous sommes de plus en plus nombreux, nous vivons différemment, nos besoins et la gestion de la ressource ne sont plus les mêmes qu’avant

  • Avant les gens faisaient appel à un sourcier pour chercher de l’eau près de leur maison ou de leur ferme car ils avaient besoin d’eau pour survivre, parce qu’ils n’avaient pas le choix, l’eau du réseau n’existait pas. Ils créent des réserves qui étaient souvent partagées par plusieurs familles ou plusieurs membres de la même famille. Un usage commun pour un bien commun, prélevée le plus souvent dans les réserves utiles du sol et donc sans impact. 
  • Quand l’eau courante est arrivée, de nouveaux moyens ont étés trouvés pour alimenter en eau potable de plus en plus de monde, traiter et retraiter ces eaux. Et Où se trouve la meilleure eau ? Les plus grosses réserves ? Celle qui nécessite le moins de traitement ? Dans les nappes phréatiques et les réseaux souterrains.  

A partir de ce moment nous avons d’un côté les collectivités qui prélèvent dans les nappes phréatiques et d’un autre côté, parce que l’eau est maintenant payante, les particuliers qui prélèvent de plus en plus dans les réserves utiles qui sont sensés être la soupape de sécurité des nappes.

Avec le cycle de l’eau qui se modifie, (système de précipitation diffèrent, fonte des glaciers et j’en passe… )  il est donc évident que petit à petit l’eau vient à manquer.

Donc aujourd’hui on appelle un sourcier parce que l’on a peur de manquer d’eau. Et l’on fait des forages de plus en plus profonds parce que l’on veut tous la meilleure eau …. Individuellement. Mais aussi parce que les anciens puits se tarissent à certains endroits pendant la période sèche, qui je le rappelle est aujourd’hui du 15 aout, au 15 octobre. Et pas en juillet et aout ! 

La gestion commune d’un bien commun

Tout le monde veut avoir son propre puit, son propre captage d’eau individuel chez lui, Nous ne sommes plus aujourd’hui en mesure de pouvoir gérer individuellement la ressource en l’eau sans nous mettre en danger, soit pour des questions de ressources, soit pour des questions de pollution. Même dans un projet de maison autonome, consommation raisonnée ou d’auto-consommation. 

Les captages d’eau souterraine individuels, qu’ils soient à des fins particuliers ou agricoles, – qui ne sont souvent pas comptabilisé dans l’étude du prélèvement de la ressource –  sont une solution à très court terme et mettent en danger les ressources de demain. 

L’eau est un bien commun, ne l’oublions pas. Sa gestion doit être commune et non individuelle.

C’est pourquoi la solution pour demain n’est pas la réalisation de captages individuels pour pallier au manque d’eau, mais bien une gestion dans son ensemble. Parce que l’eau qui arrive sur notre terrain vient obligatoirement d’ailleurs et doit aussi aller ailleurs. Ne bouleversons pas davantage le cycle de l’eau.  La solution n’est donc pas de revenir à un ancien système, mais plus d’en prévoir un nouveau. 

Aujourd’hui l’image du sourcier doit changer parce que les pratiques doivent changer !

Les problématiques liées à l’eau sont multiples, aujourd’hui un sourcier n’est plus seulement une personne qui cherche de l’eau avec des baguettes, c’est une personne consciente des problématiques en cours et à venir et qui doit accompagner au mieux chacun et chaque projet avec responsabilité. Voir quelles ressources peuvent être prélevées et voir celles qui ne le peuvent pas.  Le sourcier doit travailler avec d’autres professionnels pour bien comprendre les problématiques et les enjeux. Il ne faut pas croire qu’être sourcier aujourd’hui c’est travailler en solo de son coté. C’est travailler avec des techniciens, avec des artisans, des professionnels du bâtiment, des architectes, des associations… et j’en passe.  C’est chercher et échanger constamment. C’est un travail de tous les jours. Pas une activité du dimanche. 

Et puis clairement, le travail aujourd’hui d’un sourcier ne se limite pas à la simple recherche d’eau pour des captages. Heureusement je pense parce que si non je ne ferais pas ce métier.  

Apres 5 ans d’activité professionnelle, aujourd’hui, les appels que je reçois pour la réalisation d’un captage d’eau, uniquement, représente 1 appel sur 50. Et c’est selon moi la démonstration d’une prise de conscience collective. 

Aujourd’hui le savoir des sourciers doit pouvoir compléter d’autres savoirs. Je pense qu’il est essentiel que tous les corps de métiers et les administrations travaillent ensemble pour une meilleure compréhension de l’environnement. Voir ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas. Pour cela il faut que les regards changent, il faut que les images changent… pour que les pratiques changent.